2016/01/27

La Folie Ordinaire




Dans le dernier texte 'philosophique'  que j'ai écrit, je raconte comment l'homme se crée une image de lui-même selon les circonstances événementielles de son existence et considère cette image comme sa véritable et seule identité, comment cette image devient un culte qu'il défendra au besoin jusqu'à la mort, et comment cette auto-mystification de lui-même est à mon sens le principal fondement de l'aberration collective dont l'humanité est pétrie depuis toujours.

J'ajouterai ceci.

Il n'y a pas de chrétiens, de bouddhistes, de mormons, d’athées, de religieux, de païens ..
Il y a des Hommes.
Il n'y a pas de russes, d'espagnols, de cambodgiens, de chiliens, d'américains ...
Il y a des Hommes.
Il n'y a pas de capitalistes, de communistes, d'anarchistes, de salafistes,
Il y a des Hommes.
Il n'y a pas d'économistes, de médecins, de boulangers, de balayeurs, d'astronomes,
Il y a des Hommes.
...

Il n'y a sur terre QUE DES HOMMES. 

Que des hommes qui, selon une multitude de facteurs deviennent ce qu'ils pensent être dans une société donnée à une époque donnée, mais qui ne sont pas fondamentalement ce qu'ils croient représenter.

Il n'y a en réalité-réelle que des individus qui ne perpétuent en fin de compte que l'humanité qui est en eux et non les formes sociales qu'ils ont adopté, des individus plus ou moins bons ou méchants, plus ou moins heureux ou malheureux, plus ou moins adaptés, non à l'ordre social dont ils font partie mais à leur nature d'être humain.

En cela, la 'raison d'être' de l'homme ne diffère en rien de celle d'un animal ou d'une plante à la seule différence que l'homme doit effectuer un travail conscient pour y arriver en ce sens qu'il peut facilement l'oublier et s'en éloigner par le mal ou par l'illusion que la priorité de sa vie ne consiste pas en cela mais en n'importe quoi d'autre.

Or, que faut-il pour faire un homme ?
Un père, une mère, et un souffle d'unité qui donne la vie au résultat de l'union d'un homme et d'une femme. Là est la base existentielle.
Puis, il faut que les parents soient des parents et apprennent, et montrent à 'l'enfant d'homme' ce que c'est que d'être un homme. Et là commencent, et finissent les problèmes !
Mais admettons que les parents soient des hommes-humains et que le jeune homme devienne un homme-homme. Pourra t-il rester durant sa vie cet homme qu'il a appris à être et si oui, comment ?

La réponse est qu'il lui faudra partager sa foi, sa réalité avec un autre homme qui le comprendra et qu'il comprendra. La vie ne peut exister que dans le partage, la communication et la réalisation en commun de ce qu'on pense devoir être sa voie, son but dans la vie. C'est de ce partage que naîtra la force d'avancer car, sans lui, c'est forcément la dispersion, la perte d'identité.

Hors, quand des parents ont des enfants, bien peu leur assignent comme but de devenir ce qu'ils sont, des hommes et des femmes ayant des qualités humaines avant tout mais dès leur plus jeune âge, les enfants sont évalués selon leur capacités naissantes à devenir un rouage dans l'échelle sociale et le plus élevé sera le mieux. De là viennent que les enfants ne sont pas considérés comme des êtres ayant une valeur propre en tant que futurs hommes mais comme des êtres incomplets et sans jugement à qui il faut donner des distractions tant qu'ils n'auront pas une place dans la société, et ces 'enfants' devenus des 'hommes' restent en fin de compte les enfants-jouets qu'on a considéré tels même étant devenus adultes.

Le but de toute vie humaine n'est pas de se donner un but et de l'atteindre mais de parvenir au but qui est déja présent dans chaque homme parce qu'il est né homme et ce but c'est de faire du bien, de ne pas faire de mal, à soi et aux autres. Le but, le seul de l'homme existe déja et il n'y a pas à en chercher un autre. Et tous les buts qu'on se donne doivent respecter celui-là.


Maintenant, comprenez bien que ce que je viens de tenter d'expliquer, et plutôt mal, comme d'habitude, je le reconnais bien volontiers, est d'une importance capitale car, si il ne nous est demandé que d'être l'homme que nous sommes, où plus précisément que nous pouvons être, et rien de plus, selon la personne dont notre incarnation a hérité et, quelle qu'en soit l'apparence et les capacités, alors se trouve dans cette proposition la base de l'égalité naturelle, n'en déplaise aux tenants d'une égalité sociale qui se révèle en général sanglante.

"Les morts n'ont pas d'âge", dit  Hippolyte dans L'idiot de Dostoievski comme on pense que les hommes sont égaux devant la mort, eh bien j'affirme moi que les hommes le sont aussi et même d'abord devant la vie si vous le voulez bien, m'sieur dames !*

(Et là, repensez un instant au titre de ce blog ... "L'homme pour l'humanité")


D'ailleurs, pour prendre un exemple original, dans les histoires, romans, films, BD, il y a bien souvent un héro, et son comparse. Autant le héro est toujours un personnage original, ayant des idées fulgurantes, des buts admirables et des capacités supérieures à la moyenne, autant le comparse n'est qu'un homme 'normal', comme tout le monde et qui n'est QUE lui-même, avec ses qualités et ses défauts, et ce comparse est en réalité la bouée de sauvetage de notre héro quand ses projets grandioses battent de l'aile. Pensez au Capitaine Haddock, au docteur Watson, à Obélix. Et, si l'homme vient au secours du surhomme quand celui-ci est à court de potion magique, de qui a besoin l'homme à son tour ?? De son chien ... Milou, Idefix !



Je souhaiterais aussi ajouter trois autres 'exemples'.

Si vous n'avez qu'un seul livre à lire dans votre vie, lisez Les frères Karamazov de Dostoievski**. Cet écrivain a en effet donné comme trait principal à ses héros ainsi qu'aux personnages principaux de ses livres la faculté de pardonner. Le pardon est le moteur de ses livres, enfin, les derniers au moins. Le pardon et la compassion  priment sur tous les autres sentiments car il a du s'apercevoir à très juste titre que les hommes sont coupables les uns envers les autres de fautes qui ne sont imputables qu'à leur nature sociale, à l'image qu'ils ont d'eux-mêmes comme maillon d'une société coupable de milles et un travers alors que leur être véritable est dominé, entraîné par cette image qu'ils se créent à partir de ça, ainsi que j'ai tenté de l'expliquer plus haut.

Ensuite, cette faculté de pardon a été le fondement de l'enseignement de Jésus de Nazareth et c'est ce qui l'a maintenu si présent dans l'esprit des hommes jusqu'à ce jour, quoi qu'en aient fait ceux qui ont prétendu le représenter et parmi ceux-ci, les chrétiens Orthodoxes sont certainement ceux qui ont le mieux compris ce trait.

Enfin, la Grèce est peut-être le plus beau pays du monde ... Et ce n'est certainement pas sans un lien avec sa tradition Orthodoxe, avec la faible présence d'une organisation étatique forte et avec le fait que les grecs n'ont pas dans l'esprit de se croire supérieurs à leur propre nature humaine, et à la nature elle-même, et aussi, ils n'ont pas en eux le désir de créer une société artificielle ni celui de prétendre régir autrui par des lois. Merci Socrate.


D'ailleurs, cette petite phrase de JJ Rousseau dans sa préface au 'Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes' s'applique à la Grèce on ne peut mieux:

"J'aurais donc cherché pour ma Patrie une heureuse & tranquille république dont l'ancienneté se perdît en quelque sorte dans la nuit des temps; qui n'eût éprouvé que des atteintes propres à manifester & affermir dans les habitants le courage & l'amour de la Patrie, & où les Citoyens accoutumés de longue main à une sage indépendance, fussent" non seulement libres, mais dignes de l'être."


* Les hommes mélangent constamment matériel et spirituel.
Si comme j'ai tenté de l'expliquer les hommes sont spirituellement égaux dans la vie, ils ne le sont bien sur pas matériellement et, de même devant la mort, l'égalité concerne la fin naturelle de la vie matérielle mais il y a par contre une immense inégalité spirituelle selon qui nous avons été durant notre vie.


** Quoique,
lire un Paul Féval rivalise assez bien si ce n'est mieux !
Comme Le capitaine fantôme par exemple ...