Tout le monde comprend l'avenir. Le paradis et l'enfer, les prochaines
vacances à Biarritz, le temps qu'il fera demain, la troisième guerre mondiale,
la prochaine victoire du PSG, si les pigeons volent bas à l'aube, peu
comprennent le présent, pourquoi 'les choses sont ce qu'elles sont', pourquoi
on prends une décision plutôt qu'une autre, et combien le passé ? L'homme galope dans l'avenir, se traîne au présent et pédale dans le passé.
Cette déformation générale entraîne de singulières répercussion. Ainsi,
savoir l'avenir est un sujet grave, digne de toutes les études et de tous les
lauriers, connaître le présent est au moins futile, au pire avare, et le passé,
et bien, il est comme ça nous arrange de le voir, ou de l'oublier, ça pèse si
peu les souvenirs ou l'encre sur une feuille. L'homme passe ses générations à
calculer son avenir, à prévoir ses gains ni plus ni moins qu'un maniaque de la
roulette.
Ainsi, ce qui n'est pas est plus important que ce qui est et ce qui a
été. Enfants et vieillards sont enfermés dans des rôles de figuration, il
serait trop dangereux de laisser parler l'innocence ou la sagesse de ces deux
groupes, de les laisser participer de près ou de loin aux objectifs, aux
prévisions, aux oracles des 'hommes de l'art', savants, économistes,
psychiatres, politiques, acteurs, balayeurs, oh pardon, agents d'entretien
spécialisés et autres bêtes curieuses de l'évolution humaine. La chasse est si
bien gardée qu'il faut quelques 'false flags' pour faire croire à la réalité et à
la nécessité de soutenir ceux qui se battent pour nous défendre, qui cherchent
pour nous informer, il est minuit, dormez bien !
Or donc, l'homme ne voit plus les choses que par ce qu'elles seront, ce
qu'elles deviendront, grâce à lui. Ainsi, un enfant ne vaut que par ce qu'il
représente dans l'avenir, un enfant n'est plus en enfant: c'est un futur petit
homme. Les enfants ne grandissent plus, ils se forment, ils sont formés, mis en
forme par les hallucinations d'une communauté de joueurs aliénés, les 'grands', qui eux-mêmes ne sont que de vieux enfants de père en fils.
Il faut se garder de voir les choses de la vie en termes de résultat.
C'est se créer une vie illusoire que d'anticiper le futur, que de ne regarder
le présent qu'en terme de potentiel et que d'oublier le passé. LA chose à ne
pas oublier est d'où on vient, de l'univers, du ventre d'une mère, d'une
famille qui nous nourrit au sein d'un peuple, la terre nourricière, où l'on
retourne pour qu'elle puisse en nourrir d'autres. C'est le présent qui fait
souffrir, c'est le présent qui rend heureux, la vie est au présent ;
l'avenir sera ce qu'on en aura fait, d'instant en instant, de rencontre en
rencontre, de vérité en vérité ou de mensonge en mensonge et le passé est,
comme l'avenir mais en sens inverse, le résultat du même présent. Oui, vraiment,
le présent n'est pas la conséquence du passé,
ce n'est pas le passé qui fait le présent ...
ce n'est pas le passé qui fait le présent ...
c'est le présent qui crée le passé,
comme l'avenir,
comme l'avenir,
le présent est tout,
hier comme aujourd'hui,
aujourd'hui comme demain ...
Tomorrow Never Comes.
hier comme aujourd'hui,
aujourd'hui comme demain ...
Tomorrow Never Comes.
La civilisation du but qui résulte d'une vie en décalage constant d'avec
elle-même est une catastrophe qui découle principalement de la volonté de
pouvoir, de l'orgueil présomptif de la réussite, du désir malsain de
domination, de l'égoïsme. Volonté de puissance, vouloir être le maître, dominer,
diriger, recevoir des honneurs, tous ces funestes travers témoignent, avant
même que leurs œuvres fatales ne s'accomplissent, d'un esprit dérangé, d'une
vision erronée de la vie, pour la raison précitée de la relation au temps et
aussi par l'aspect du monde qu'elle porte en elle.
L'homme préfère se complaire dans ce qui n'est pas, avenir, fantasmes,
vices, et, plutôt que de se mesurer avec ce qui est, il préfère inventer des
systèmes virtuels plutôt que de s'accommoder de celui qui est car l'homme veut
être plus que ce qu'il est, sans s'apercevoir qu'il ne pourra jamais être que
moins. En effet, la nature qui a engendré l'éclosion de la vie et de l'homme
est la seule autant qu'infinie source de savoir et de richesse. Penser
seulement qu'on peut faire 'mieux', qu'en vérité on fait 'mieux' parce qu'on
'crée' des choses qui n'existaient pas est, en dehors de l'aspect purement
technique, une chimère plus grande que de croire aux sorciers. Le sorcier lui-même,
tel Bilam, explique son 'pouvoir' par la nature, diable compris, mais l'homme
croit en son propre pouvoir, oh ! Mère de toutes les illusions !! Les
'civilisations' sont le cimetière des vrais espoirs et l'origine de tous les
désespoirs. Au fur et à mesure que l'homme croit s'élever, il s'abaisse. Il
grimpe dans ses cocotiers dorés et se croit au sommet de l'univers alors qu'il
n'est qu'au seuil de la folie, au faîte de la mégalomanie.
Alors, ceux qui doivent triompher dans cette soupe aux passions et aux
crimes ne peuvent être que des individualités exacerbées, des populations
mythifiées par des illusions démesurées. En effet, ceux qui se donnent pour
acquis le droit de domination voient le monde en premier lieu comme un tissus
d'inégalités, ce qui est vrai mais cela ne vient qu'après la merveilleuse unité
dans laquelle les inégalités prennent un sens, et en second lieu, comme un
échiquier où il y a des victoires à remporter, comme un champ de bataille où il
y a des ennemis à vaincre alors que la réalité est tellement autre !
Que peut-il sortir d'un monde du chacun pour soi où tous se croient leur
propre maîtres ?
"I'm not just a
machine, I swallow green, I'm an art dimension"
Soma Holiday, Art Dimension, 1984
Ainsi, si on fait le bilan, calmement, on s’aperçoit que les tyrans ont
toujours assis leur ‘popularité’ sur l’avenir, meilleur, sur la grandeur,
future, sur le monde, à venir ... Et les peuples, tombés dans le chaudron d’orgueil
dès leur naissance et élevés à la mamelle du vice et de l’illusion, les peuples
marchent, marchent comme les juifs errants, mais sur place, voir reculent.
Contrairement au dicton, même si c’est un peu cela qu’il veut dire, ce n’est
pas que dans les vieilles casseroles qu’on fait les meilleures soupes mais avec
les bons ingrédients, et une bonne recette. Dans le cas de l’humanité, c’est
aussi simple – en théorie. Les ingrédients, c’est nous et nos consciences, la
recette, suivez les flèches de la nature et de tout ce qui ne lui est pas
contraire. Et ... remerciez Dieu, seul et au nom de tous:
"Entends mon peuple, Dieu est notre Dieu, Dieu est Un"