2016/09/05

Balzac ... & moi




J'ai mis dix ans à répondre à la question posée par Etienne de La Boétie il y a près de cinq cent ans, et même quarante si je considère que j'avais connu et retenu son texte depuis la classe de terminale, à savoir pourquoi les hommes se complaisent dans un état de 'servitude volontaire'. Certes, La Boétie donne des raisons à cet état maladif mais la cause profonde est restée selon moi inexpliquée.

Or, ce n'est que vers la fin juillet dernier que je pense avoir trouvé une réponse définitive. De là, quelle ne fut pas ma surprise il y a quelques jours de retrouver cet argument en lisant Balzac !

Balzac est un des génies de l'humanité. Plus qu'un écrivain, c'est un Penseur, un psychologue et un sociologue de haut niveau qui fait mieux comprendre l'humanité que dix volumes des soi-disant grands hommes de ces domaines.

Voila donc la simple phrase qui répond à la question de La Boétie, posée alors qu'il avait 33 ans, le même âge que Balzac quand il écrivit le roman dont la fin est reproduite ci-dessous ... Pour lors, je suis un peu en retard, comme dirait le Lapin d'Alice !!

Apprenez cette phrase par coeur, enseignez-là à vos enfants, c'est la "solution des solutions" !!!


Le curé de tours

"Nous vivons à une époque où le défaut des gouvernements est d’avoir moins fait la Société pour l’Homme, que l’Homme pour la Société. 

Il existe un combat perpétuel entre l’individu contre le système qui veut l’exploiter et qu’il tâche d’exploiter à son profit ; tandis que jadis l’homme réellement plus libre se montrait plus généreux pour la chose publique. Le cercle au milieu duquel s’agitent les hommes s’est insensiblement élargi : l’âme qui peut en embrasser la synthèse ne sera jamais qu’une magnifique exception ; car, habituellement, en morale comme en physique, le mouvement perd en intensité ce qu’il gagne en étendue. La Société ne doit pas se baser sur des exceptions.

D’abord, l’homme fut purement et simplement père, et son coeur battit chaudement, concentré dans le rayon de sa famille. Plus tard, il vécut pour un clan ou pour une petite république ; de là, les grands dévouements historiques de la Grèce ou de Rome. Puis, il fut l’homme d’une caste ou d’une religion pour les grandeurs de laquelle il se montra souvent sublime ; mais là, le champ de ses intérêts s’augmenta de toutes les régions intellectuelles.

Aujourd’hui, sa vie est attachée à celle d’une immense patrie ; bientôt, sa famille sera, dit-on, le monde entier. Ce cosmopolitisme moral, espoir de la Rome chrétienne, ne serait-il pas une sublime erreur ? Il est si naturel de croire à la réalisation d’une noble chimère, à la fraternité des hommes. Mais, hélas ! la machine humaine n’a pas de si divines proportions. Les âmes assez vastes pour épouser une sentimentalité réservée aux grands hommes ne seront jamais celles ni des simples citoyens, ni des pères de famille.

Certains physiologistes pensent que lorsque le cerveau s’agrandit ainsi, le coeur doit se resserrer. Erreur ! L’égoïsme apparent des hommes qui portent une science, une nation, ou des lois dans leur sein, n’est-il pas la plus noble des passions, et en quelque sorte, la maternité des masses : pour enfanter des peuples neufs ou pour produire des idées nouvelles, ne doivent-ils pas unir dans leurs puissantes têtes les mamelles de la femme à la force de Dieu ?

L’histoire des Innocent III, des Pierre-le-Grand, et de tous les meneurs de siècle ou de nation prouverait au besoin, dans un ordre très élevé, cette immense pensée que Troubert représentait au fond du cloître Saint-Gatien.

Saint-Firmin, avril 1832."




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