« Le Roi est mort, vive le Roi ! »
Le nouveau roi est jeune, cependant, c’est
un vieux roi.
Le nouveau président est vieux, cependant,
c’est un nouveau président.
Un président est toujours un nouveau
président alors qu’un nouveau roi est toujours un vieux roi.
On est toujours à la recherche d’un
nouveau président, jamais à celle d’un nouveau roi.
La présidence est invariable dans sa
perpétuelle nouveauté, la royauté est changeante dans sa perpétuelle
ancienneté.
Le président est un être artificiel, un
symbole de royauté, la royauté du peuple, de chacun, de personne ; le roi
est un être naturel, une preuve vivante de la fragilité de l’homme quoique cet
homme, le Roi, soit au sommet.
Les deux premiers tiers du règne de Louis
XIV furent ceux du Roi Soleil, le dernier ne fut que celui de Louis le Grand.
Le résumé du changement intervenu peut se
résumer ainsi : « Tartuffe passa de la scène à l’antichambre ». Louis
le Grand était surnommé par la jeunesse aristocratique ‘la vieille machine’ ;
alors, on n’allait plus à Versailles pour s’éblouir mais pour quémander.
Le Grand Roi s’appelait toujours Louis XIV
et personne, à la ville ou aux champs, ne remettait en question sa grandeur, c’était
un homme ! et l’époque dont nous parlons respectait l’homme, la famille et
l’enfance, quoiqu’on dise. A tel point qu’on acceptait un gouvernement
provisoire au nom de l’enfant-Roi, la Régence. La France était fière d’avoir un
roi au berceau.
La famille était tout, malgré les
débordements, les querelles, les crimes familiaux, qui n’existaient que, parce que
justement, il n’y avait rien au-dessus de la famille, sauf le roi, le roi tour
à tour enfant, homme et vieillard, et sa famille.
Michel Zevaco
"Le spectacle que présentait Paris tenait du rêve et du prodige : il est demeuré unique dans les fastes de la France. Les rues étaient noires d’une foule énorme, incalculable ; et l’aspect de cette foule était saisissant et ne ressemblait à aucun autre aspect de foule.
Des fleuves d’hommes coulaient lentement et silencieusement vers des océans de peuple qui se formaient autour de chaque église. Un vaste murmure indistinct : on parlait bas, comme si Paris eût été la chambre d’un agonisant. Ici, là, un peu partout, de ce silence montait soudain un sanglot ; et, alors, comme à un signal funèbre, les lamentations éclataient, puis tout retombait au silence.
Les portes de toutes les églises étaient ouvertes, et les foules qui n’avaient pu entrer s’agenouillaient dans la rue, sous une petite pluie fine.
Quelle catastrophe avait donc frappé ce peuple ? Quelle affreuse calamité le précipitait à cette crise de douleur, de larmes et de prières, qui demeure un des phénomènes les plus étonnants de l’histoire ? Quoi ! Chacune de ces familles avait-elle été visitée par la mort ? Quelle peste, quelle hécatombe ? Quoi, enfin ?
Le roi était malade !...
Qui pourra jamais mesurer les espérances que le peuple avait dû placer en Louis XV ! Ces espérances devaient être infinies comme ses misères, puisque sa douleur si vraie, si auguste et si touchante, éclata avec une telle force !
La déception devait être terrible. Elle porte un nom de tonnerre, et s’appelle : Quatre-vingt treize !
Mais à l’époque dont nous parlons, Paris en était encore à l’espérance. Et cette espérance souverainement naïve, cette espérance qui arrache au poète des larmes de compassion, qui stupéfie l’historien et déroute le philosophe, cette espérance d’une nation qui sortait à peine des tyrannies du grand règne et des orgies de la Régence, se traduisait par une douleur imposante à la seule annonce que Louis était malade."
No comments:
Post a Comment